Un membre du directoire révoqué de son mandat réclame et obtient 1,6 million d’euros de dommages et intérêts. Cette révocation serait intervenue sans juste motif, ce qui explique la sévérité des magistrats de la cour d’appel de Paris (CA Paris, 7 déc. 2017 n° 16/01013).
Revenons sur les faits, lesquels avaient fait grand bruit.
Ingénieur du corps des Mines, Monsieur Jean-Yves Naouri a quitté le service de l’Etat en 1993 pour entrer dans le groupe Publicis, où il a assuré successivement diverses fonctions de direction. En 2008, il était nommé au directoire de Publicis Groupe, où il était confirmé quatre ans plus tard, puis nommé également COO (chief operating officer) en 2010, c’est-à-dire le numéro 2 opérationnel du groupe. Il a assuré concomitamment après 2011 les fonctions de président exécutif de Publicis Worldwide, réseau créatif le plus important du groupe. Monsieur Naouri est salarié de Publicis Groupe Services.
Monsieur Jean-Yves Naouri pensait prendre la succession de Monsieur Maurice Lévy. Cette succession lui aurait été promise. Cette information ressortait des nombreux articles de presse dans lesquels la succession de Monsieur Maurice Lévy s’organisait.
Mais au cours de l’été 2013, Monsieur Maurice Lévy a annoncé la fusion du groupe Publicis avec le géant américain Omnicom, donnant ainsi naissance au premier acteur mondial de la publicité et de la communication.
La nouvelle organisation du groupe Publicis ne laissait plus aucune place dans son organigramme à Monsieur Jean-Yves Naouri.
Bien que le rapprochement avec Omnicom n’ait pas abouti, Monsieur Jean-Yves Naouri et le groupe Publicis ont tenté de négocier un départ à l’amiable de ce dernier avant qu’il ne soit finalement révoqué de son mandat social puis licencié de son contrat de travail.
Or, l’article L. 225-61 du code de commerce dispose :
« Les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent être révoqués par l’assemblée générale, ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts.
Au cas où l’intéressé aurait conclu avec la société un contrat de travail, la révocation de ses fonctions de membre du directoire n’a pas pour effet de résilier ce contrat. »
Le groupe Publicis disposait-il d’un juste motif pour révoquer Monsieur Jean-Yves Naouri ?
Les magistrats de la cour de d’appel, au vu des faits, ont considéré que cette question devait recevoir une réponse négative. Et faute de juste motif, l’indemnité contractuelle de 1,6 million d’euros, que Monsieur Jean-Yves Naouri avait négocié avec le groupe Publicis en cas de révocation de son mandat social, correspond à l’exacte réparation de son préjudice.
Ce qu’il faut retenir de cette affaire, c’est que la cour d’appel de Paris reproche au groupe Publicis d’avoir, dans un premier temps, tenté de négocier avec Monsieur Jean-Yves Naouri son départ, puis dans un second temps et le tout dans un espace temporel très court, décidé de le révoquer de son mandat. La révocation n’est pas sans juste motif dès lors qu’elle conclut une négociation ratée de départ de négocié !
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2 commentaires
Pierrot
Article très intéressant, je ne pensais pas qu’une telle révocation était possible.
Daniel
C’est en effet difficile de prendre position dans ces cas là, d’autant qu’il y a eu une tentative de négociation…cc