La révocation d’un mandataire social est une question nourrissant régulièrement la jurisprudence.
La règle est simple, que la révocation doive être prononcée avec ou sans juste motif, elle ne doit pas intervenir dans des circonstances injurieuses ou vexatoires portant atteinte à l’honorabilité du dirigeant révoqué. Sinon, elle est abusive et elle ouvre droit au paiement de dommages-intérêts.
Mais une fois que cela est dit, qu’est-ce que cela signifie ? Et bien, tout dépend, c’est une question de fait…
La chambre commerciale de la Cour de cassation est revenue récemment sur les conditions d’une révocation (Cass. com., 24 mai 2017, n° 15-21.633).
La solution qui s’est dégagée au fil du temps et des arrêts est claire : on ne vire pas un Président d’une entreprise française comme dans les entreprises anglo-saxonnes et on oublie le scénario du carton sur le bureau, du quart d’heure laissé pour ranger ses effets et de la tête basse pour quitter les locaux ! Ainsi par le passé, cette même chambre commerciale avait eu à confirmer la position adoptée par la cour d’appel de Rouen qui avait estimé que le fait de demander à un dirigeant, à l’issue de l’assemblée générale prononçant sa révocation, de remettre les clés de l’entreprise et les documents appartenant à la société en sa possession, et de ne plus s’y présenter constituait une révocation vexatoire (Cass. com., 1er fév. 1994, n° 92-11.171). Par suite, des cours d’appel ont pu juger qu’il est injurieux ou vexatoire de notifier au dirigeant sa révocation sur le champ et ce, sans explication, de le priver immédiatement de tout contact avec l’entreprise en lui supprimant son accès aux locaux de l’entreprise, à sa messagerie et à ses collaborateurs (CA Paris 30-6-2009 n° 08-13668) ou de l’obliger à quitter immédiatement les locaux de l’entreprise en lui interdisant tout contact avec la clientèle notamment et ce, après avoir fouillé les cartons contenant ses effets personnels afin de vérifier que ces cartons ne comprenaient que des effets personnels (CA Paris 30-3-2010 n° 09-975).
Cette solution est-elle inchangée ?
A la lecture de l’arrêt, il pourrait être permis de penser que la chambre commerciale vient d’opérer un revirement de jurisprudence… « (…) La perte d’accès du dirigeant à son serveur et à son adresse électronique et la demande de restitution de son véhicule ainsi que l’interruption de sa ligne téléphonique et l’obligation de quitter son logement de fonction dans le délai d’un mois étaient inhérentes à la cessation de ses fonctions (…) ». Tout est intervenu le jour même (sauf la restitution du logement de fonction, mais c’est bien légitime, quand même… Et à Paris, un mois, c’est la durée du préavis pour donner congé à son bailleur…). Et pourtant, la révocation n’est pas injurieuse ou vexatoire. Le juriste y perd son latin… Pas tant que cela en réalité ! Le dirigeant était informé depuis plusieurs jours de l’imminence de sa révocation. Il avait été convoqué à un comité de surveillance plusieurs jours à l’avance. L’ordre du jour de ce comité était non équivoque sur son sort. Il n’y a donc pas d’effet de surprise sur la révocation ni de concomitance entre l’annonce de la révocation et les conséquences de la révocation.
La constance a du bon…
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