La règle est, malheureusement, fort bien connue de nombreuses entreprises françaises… Tout chef d’entreprise est tenu de demander l’ouverture d’une procédure collective au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements. Pour mémoire, la cessation des paiements est caractérisée par l’impossibilité pour l’entreprise de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Dès que la trésorerie se tend, il est donc essentiel de garder un œil sur le compteur des passifs exigibles…
Et rien ne sert de jouer à l’autruche, le risque de la sanction est important. En effet, l’article L. 653-8 du Code de commerce prévoit que la faillite personnelle peut être prononcée à l’encontre de tout chef d’entreprise qui a omis de demander l’ouverture d’une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire dans le fameux délai de quarante-cinq jours.
La faillite personnelle, ce n’est pas rien ! Elle implique l’interdiction de gérer, de diriger, d’administrer ou de contrôler une entreprise commerciale et elle emporte l’interdiction de disposer d’un mandat électoral.
Et pourtant, parfois la mort dans l’âme, certains seraient tentés de ne pas déposer le bilan de leur entreprise, d’autres s’étant chargés de les assigner en redressement ou en liquidation judiciaire. En effet, si l’ouverture d’une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire est en principe à l’initiative du chef d’entreprise, lequel, sachant les difficultés que l’entreprise traverse, doit déposer le bilan dans un délai assez bref pour éviter que la situation n’empire, la loi prévoit un droit aux créanciers de solliciter l’ouverture d’une telle procédure contre leur débiteur en difficultés. Ces créanciers peuvent alors assigner leur débiteur en cessation des paiements en vue de voir s’ouvrir une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire.
La Cour de cassation (Cass. com., 14 janv. 2014, n°12-29.807) vient de censurer un arrêt de la cour d’appel de Nancy (CA Nancy, 2ème com., 17 oct. 2012) qui avait estimé que le débiteur ne peut pas être poursuivi en faillite personnelle lorsqu’il n’a pas déposé son bilan si d’autres l’ont assigné en cessation de paiements.
En l’espèce, les URSSAF avaient assigné deux sociétés en cessation de paiements en juin. Pour des questions de pure procédure, le tribunal de commerce a finalement pu se prononcer en décembre sur les assignations délivrées contre ces deux sociétés. La procédure de redressement judiciaire a été très rapidement convertie en liquidation judiciaire, de telle sorte que les sociétés en question n’ont pas survécu à ce mois de décembre. Le liquidateur judiciaire avait alors demandé au tribunal de commerce que soit prononcée une sanction de faillite personnelle à l’encontre du dirigeant aux motifs que ce dernier n’avait pas déposé le bilan de ses entreprises dans le délai de quarante -inq jours à compter de la cessation de paiements. La cour d’appel de Nancy a considéré que les URSSAF ayant assigné les deux sociétés en cessation de paiements dès le mois de juin, le dirigeant de ces deux entreprises n’était pas tenu depuis cette date de déposer le bilan de ses sociétés.
La Cour de cassation ne l’a pas entendu pas ainsi. Elle a pris le soin dans son récent arrêt de rappeler les dispositions de l’article L. 653-8 du Code de commerce, donnant ainsi à sa décision le caractère solennel d’un arrêt de principe, c’est-à-dire d’un arrêt dans lequel est posé un principe d’application générale qui permettra de régir de futurs dossiers similaires. C’est dire l’importance de la décision rendue par la Cour de cassation dans cette affaire ! La Cour de cassation a ensuite tout simplement indiqué dans sa décision que la cour d’appel de Nancy avait violé les dispositions de l’article L. 653-8 du Code de commerce et qu’en conséquence, elle l’invitait à revoir sa copie. En clair, le chef d’entreprise n’était pas dispensé de déposer le bilan de ses entreprises dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements, quand bien même les URSSAF l’auraient devancé en l’assignant à cette fin ! N’ayant pas déposé les bilans de ses entreprises dans le fameux délai, il encourait donc légitimement la sanction de la faillite personnelle…
Il est vrai que les faits de l’espèce n’engageaient pas le Cour de cassation à la plus grande clémence : le chef d’entreprises ne tenait pas de comptabilité régulière de ses sociétés. Or, il incombe à tout chef d’entreprise de tenir une comptabilité complète et régulière de son entreprise, de procéder aux déclarations fiscales et sociales et d’intégrer dans sa comptabilité les sommes dues à l’administration. Ce n’était pas le cas en l’espèce.
Mais peu importe les faits de cette espèce, le caractère solennel de l’arrêt de la Cour de cassation appelle à la plus grande prudence, d’autres faits moins graves pourraient bien attirer les mêmes foudres !
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