On les regarde souvent avec envie, ces entrepreneurs de leur vie, des expatriés, désormais “Français d’ailleurs”, qui ont « fait de leur vie un rêve, et de leur rêve une réalité », comme le formulait si joliment Saint-Exupéry.
En choisissant un jour de tout laisser derrière eux, en choisissant de faire ce premier pas, plein d’audace, qui ouvre l’horizon en grand, ils ont évidemment laissé famille, amis, et mille autres douceurs toutes françaises. Mais par le courage d’un billet “aller-sans retour fixé”, ils ont découvert l’entrepreneuriat dans toute sa noblesse : explorer l’inconnu, apprendre avec humilité, prendre conscience que “l’on ne sait pas”, s’ouvrir à la rencontre sans jugement, faire de la générosité les bases d’un nouvel échange, accepter le temps du silence et de l’observation, courir le risque d’échouer pour mieux recommencer…
C’est tout cela que Florian Mosca et Laurent Lingelser, le réalisateur et le producteur du film Génération Expat, sont allés chercher. Un tour du monde à la rencontre de Français, transformés et grandis par l’aventure du lointain. Un film pour faire passer un message à l’optimisme contagieux : « il n’est jamais trop tard pour devenir ce que nous aurions pu être » (George Eliott).
J’ai donc souhaité rencontrer l’un de ces deux voyageurs-producteurs, pour comprendre ce que l’expatriation enseigne. Pour comprendre aussi les raisons d’un tel succès d’audience : plus de 200.000 vues en 3 semaines ! Pas mal pour un film qui parle de travailler à l’étranger.
Laurent, vous êtes allé à la rencontre d’expatriés dans différents endroits du monde. Pourquoi et pour répondre à quoi ?
Pour 3 raisons essentielles.
J’ai moi-même vécu une vie d’expatrié, dans des pays certes moins exotiques que ceux du film (l’Allemagne et les Pays-Bas), mais j’ai gardé un souvenir extraordinaire de cette expérience qui m’a profondément transformé.
Par ailleurs, après une vie professionnelle assez linéaire qui m’avait conduit à diriger la filiale d’une société de prêt à porter, j’ai décidé de tout plaquer. Je ne trouvais plus ma place depuis le rachat de mon entreprise par un fonds de pension : mon job de management était devenu un job de reporting. J’avais perdu ma liberté d’agir, j’ai alors choisi la mise en danger : quitter pour inventer une vie nouvelle. J’ai commencé par faire un tour du monde en 60 jours, et je me suis laissé gagner par le virus de l’itinérance et des rencontres au long cours.
Enfin, j’avais le sentiment que de plus en de Français avaient envie d’oser le monde, mais je ne trouvais aucun contenu qui le traitait comme j’avais envie d’en parler. Nous avons donc décidé, avec Florian mon associé, d’aller chercher à l’étranger ce “quelque chose” dont on ne parlait pas.
Diriez-vous qu’il fallait désobéir pour monter pareille aventure ?
Toute audace est une désobéissance ! Jamais je n’aurais imaginé produire des films il y a deux ans. Et encore moins penser que ma nouvelle activité m’enverrait aux quatre coins du monde, à la rencontre de parcours de vie inspirants et de rencontres singulières.
Tout a commencé par mon tour du monde en 60 jours. Mes contraintes personnelles m’imposaient une durée réduite, j’ai donc choisi la désobéissance sous contraintes : partir quand même. Pour quoi ? Ça je n’en avais pas vraiment idée. C’est sans doute cela le ressort de l’audace : basculer parce que l’intuition vous y pousse, avec, non la certitude, mais l’espoir qu’il y aura de grandes choses à retirer de l’aventure.
Et c’est exactement ce qui s’est passé : le voyage m’a donné l’envie d’entreprendre. J’ai alors cofondé le réseau social jogg.in dédié à la pratique du running, puis une entreprise de brand content, et enfin un premier projet vidéo sur le Working Holiday Visa. Je n’y connaissais rien, mais j’ai tout appris en avançant. J’ai aussi et surtout cassé cette idée saugrenue qu’il pouvait être trop tard pour se lancer.
Y a-t-il eu des freins à cette désobéissance ?
Oui bien sûr…
Le premier est financier, tant la quête du confort et du matériel est ancrée en nous. Nous avons été bercés avec l’idée d’une réussite qui se matérialise. Difficile de s’en détacher et de prendre ses distances avec les leurres qu’elle promet pourtant.
Le second est social. On n’imagine pas à quel point le choix des chemins de traverse ôte des sujets de conversation à son entourage. Pas si simple de parler de ce fils qui baroude autour du monde, quand les enfants des amis sont « banquier d’affaire » ou « directeur de quelque chose » dans une grande organisation.
Le troisième est psychologique : sa propre psychologie. Le doute, le manque de confiance, l’impression de ne pas pouvoir être à la hauteur, la peur de tout perdre ou de régresser, sont autant de raisons qui paralysent. Et pourtant, on ne sait jamais où la décision va nous mener ; on ne peut imaginer les nouvelles portes qui vont s’ouvrir sur des opportunités à saisir.
S’agissant des expatriés qui témoignent dans votre film, comment les avez-vous trouvés ?
J’ai utilisé ces outils magiques que sont les réseaux sociaux. Il a donc suffi d’un post sur Facebook pour présenter le projet. Les amis et relais relationnels ont fait le reste. J’ai reçu en quelques jours une centaine de contacts. Tout est allé très vite ensuite. Les premiers échanges se sont fait par Skype. Je cherchais un feeling, une envie de vivre quelque chose ensemble, un état d’esprit. Nous avons sélectionné 14 personnes (Pérou, Colombie, Brésil, Canada, Inde, Singapour, Malaisie, Thaïlande et Nouvelle-Zélande). Il restait alors à organiser le voyage de 3 mois ; à le financer surtout.
Chapka Assurances, qui nous avait accompagnés sur le premier projet Génération Working Holiday Visa, nous a renouvelé sa confiance. Il restait à trouver d’autres partenaires : Airbnb, le ministère des Affaires étrangères, Courrier International et la Banque Transatlantique ont ensuite rejoint l’aventure.
Nous avons géré ce projet comme un vrai projet d’entreprise : clients, partenaires financiers, contenu média, logistique… Nous étions dans une vraie logique de petits pas, une chose après l’autre, tout s’enchainant presque naturellement. Nous sommes passés de l’idée à un projet abouti, presque sans nous en apercevoir. Nous avions pourtant fait un pas de géant.
De quels valeurs sont-ils les ambassadeurs, tous ces expatriés que vous avez interviewés ?
Ils sont tous partis avec un projet, une idée. Leur démarche n’a jamais été une fuite, plutôt une aspiration vers un inconnu, vers une nouveauté dont ils seraient les artisans.
Leur réussite a reposé sur des ingrédients indispensables : savoir se taire, rester humble en toutes circonstances, déconstruire les acquis, apprendre à désapprendre, être curieux de la culture, parler la langue de l’autre, respecter les différences et tenter de se les approprier. C’est en misant, avant toute chose, sur la priorité de leur bonne intégration, qu’ils en ont fait un vrai succès. Quel enseignement pour nos habitudes si françaises…
Ils ont aussi montré que, nous français, nous avons des atouts fantastiques. Nous avons des richesses à partager : écoutez tous ces expatriés nous parler de leur pays et de son souvenir, des étincelles dans les yeux. Ils parlent de vin, de pâtisseries et de charcuterie, de paysages, de culture et d’architecture… Nous avons nous aussi la capacité de faire rêver. Ce partage des rêves, c’est la clé de l’expatriation.
Si je n’avais donc qu’un message à faire passer : devenez le meilleur conteur de vos rêves, passez du Story Telling au Story Sharing, agissez, apprenez à désapprendre… et vous allez remplir votre vie.
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4 commentaires
Capitaine Rémi
Bravo à Laurent et Florian pour avoir réalisé ce projet et donner envie à plein de français d’aller gouter à la joie de l’expatriation !
alain
Bravo bravo bravo Laurent et Florian !
louis
Ca donne trop envie de repartir vivre à l’étranger… surtout en cette époque où tout devient si compliqué en France
dany-p
Je me reconnais totalement dans votre article. Je suis partit 1 an en Thailande et le plus dur a été de désapprendre … mais pour mieux apprendre sur soi même (sans jeu de mot). Culture, température, contact avec les locaux, énormément de points où a l’occasion de se remettre en question, ce qui passe par prendre beaucoup plus d’assurance en soi (on ne peut se remettre en question sur tout et n’importe quoi non plus). Merci encore pour cet article