C’est par des mots, personnels et vrais, que j’ai souhaité entendre la vie d’entrepreneur ; des mots pour parler du quotidien de l’entreprise, des ressentis, des satisfactions, et parfois des illusions. J’ai donc posé une question toute simple à 51 entrepreneurs : « Comment pourriez-vous exprimer en seulement trois mots ce qu’est, pour vous, entreprendre ? »
Les réponses ont été riches d’enseignements, parfois surprenants. Elles disent ce qui se vit dans des journées gouvernées par l’urgence. Elles trahissent les excès d’une vie que l’on a certes choisie, mais dont on découvre, chaque jour un peu plus, les surprises qu’elle réserve. Elles donnent une idée de la foi et de la passion qui animent ces entrepreneurs-rêveurs, qu’ils soient bâtisseurs d’empires ou artisans de leur aventure solitaire.
Ce sont les dix mots les plus fréquemment évoqués que je vous livre ici. Avec à la clé une surprise. Un mot s’est nettement détaché des autres, caracolant très largement en tête des citations: la LIBERTÉ. Quel paradoxe, lorsque l’on connaît à quel point les contraintes pèsent sur le quotidien du dirigeant d’entreprise ! Clients, salariés, fournisseurs, partenaires, investisseurs, Etat… ils sont nombreux ceux envers lesquels l’entrepreneur s’engage. Et pourtant, obligé vis-à-vis de tiers, et responsable de ses choix et de ses décisions, le dirigeant d’entreprise conserve au plus profond de lui-même le sentiment d’être libre. Entreprendre, ce n’est pas atteindre LA liberté, mais UNE liberté: celle de choisir la configuration dans laquelle s’épanouir, les personnes avec lesquelles travailler, le rythme auquel avancer, les sujets sur lesquels investir son temps, son énergie et son argent. Entreprendre, c’est donc à la fois s’engager et se contraindre, tout en gardant à l’esprit que tout est possible…
Liberté, Courage, Engagement, Créativité, Risque, Persévérance, Passion, Innovation, Responsabilité, Travail
Liberté et Passion
Avouez qu’il y a des mots qui donneraient un peu moins envie de se lancer !
Liberté et Passion, on pourrait presque s’imaginer parler voyage… Mais finalement, n’est-ce pas un peu cela « créer une entreprise » ? Choisir une destination ; rêver l’exotisme et les chocs de culture ; imaginer un chemin dont on pourra dévier au gré des rencontres, des surprises et des opportunités ; parler d’autres langues, parfois très techniques ; découvrir des territoires inconnus ; commettre des erreurs ; improviser et apprendre à se sortir de situations souvent complexes, voire même embarrassantes… Tout dans le voyage itinérant renvoie à l’audace et à l’expérimentation.
On détache les amarres et on tourne le dos à la servitude lorsque l’on entreprend. On devient libre, non parce que l’on se libère de tout, mais parce que l’on se libère des décisions subies et des stratégies imposées, de la politique et des jeux de pouvoir. On devient libre de s’intéresser, d’être animé par sa propre curiosité, de chercher à découvrir plus loin encore celui ou celle que l’on est… et d’en assumer les conséquences, quelles qu’elles soient. Il en faut donc une bonne dose d’envie, d’énergie, d’enthousiasme et de conviction – en d’autres mots de passion – pour avancer sur ce chemin d’Homme libre.
Courage et Responsabilité
Il y a des expressions du passé dont on oublie l’usage lorsque l’on devient entrepreneur… « Passer la patate chaude au voisin », « Mettre la poussière sous le tapis » ou « laisser des cadavres dans le placard »… Terminé tout cela ! Pour une raison toute simple, vous êtes le destinataire final de tous les problèmes, surtout lorsque ceux-ci ressemblent à un avis de tempête. Et s’il y a bien un problème que l’on doit éviter dans la vie de l’entreprise, c’est le syndrome du sparadrap collé au doigt du capitaine Haddock. Ça colle, ça colle… et ça reste collé !
Il y a donc des évidences qui se formulent facilement : plus l’on se penche vite sur les difficultés à résoudre, moins les turbulences vont donner mal au cœur.
Innovation, Créativité et Risque
J’ai récemment animé un atelier sur l’initiative et le risque d’entreprendre pour un groupement de pharmaciens. Il s’agissait, entre autre, de les aider à intégrer l’idée qu’un pharmacien est un entrepreneur à part entière ; un chef d’entreprise aujourd’hui confronté à la nécessaire réinvention de son métier tant le paradigme de la rente et du profit garanti sont aujourd’hui remis en cause : perte du monopole pour la distribution de médicaments, forte pression de l’Etat sur les dépenses de santé, marges faibles sur les médicaments remboursés, pression concurrentielle accrue entretenue par l’arrivée d’une jeune génération commercialement plus agressive.
Les pharmaciens sont donc aujourd’hui obligés de revoir leur business model et tendre vers plus de service, d’intégrer le digital comme un nouveau vecteur de commercialisation, de se regrouper pour rééquilibrer le rapport de force dans les négociations commerciales avec les fournisseurs et prestataires, ou encore d’appliquer les pratiques des réseaux Retail traditionnels pour capter et fidéliser leur clientèle. Il faut donc imaginer, inventer, essayer, risquer, échouer, tirer profit de l’expérience, recommencer. Il s’agit tout simplement de continuer à entreprendre, et de sortir de l’immobilisme confortable. Mais se remettre régulièrement en question n’est pas si naturel ou aisé lorsque créer une pharmacie se dit encore, de nos jours, « s’installer »…
Engagement, Travail et Persévérance
On a beau le savoir avant de se lancer, et l’on a beau avoir observé d’autres entrepreneurs autour de soi, ce n’est qu’après s’être véritablement lancé qu’on réalise l’engagement et la persévérance dont il faut faire preuve ; la quantité de travail à fournir aussi.
S’engager à 100% sur son projet et éviter les occasions de dispersion, c’est créer une dynamique et une motivation qui s’auto-entretiennent. C’est aussi accroître le rythme des premiers succès : rien de mieux pour se persuader que l’on est sur la bonne voie.
Si le travail n’est pas la garantie du succès, il en est quand même LA composante incontournable. Les journées de l’entrepreneur font le grand écart avec le temps ? C’est pour une raison toute simple: mettre son entreprise en disposition favorable pour bénéficier de ce tout petit coup du destin qui fera la différence. Ne faites rien et attendez ? Il y a de fortes chances que vous attendiez longtemps encore…
Enfin, il est fortement probable aussi que l’échec soit le compagnon de vos expériences. Mais c’est une chance : il aide à comprendre, à apprendre et à grandir. Il crée aussi cette intuition qui fera prendre les bonnes décisions sans peine et sans attendre demain. Donc, s’il ne fallait retenir qu’une chose : « Vous n’avez cessé d’essayer ? Vous n’avez cessé d’échouer ? Aucune importance ! Réessayez, échouez encore, échouez mieux. » (Samuel Beckett)
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2 commentaires
Mouëllo
Excellent article, clair et plein de vérités
Pascal
La dynamique d’auto-motivation est la clé!
Merci pour ce post encourageant.
P.