Il faut avoir été entrepreneur pour mesurer à quel point la trésorerie occupe les journées et, bien souvent, les pensées nocturnes d’un dirigeant d’entreprise. Et lorsque les crises comme celle que nous traversons actuellement s’éternisent, ce sujet d’attention devient pour certains une préoccupation permanente, voire pour les plus exposés un cauchemar sans solution réelle.
Pourtant, on a beau l’avoir entendu à maintes reprises, avoir représenté des courbes et modélisé des projections à 3 ans, s’être persuadé des risques du laxisme ou de la négligence, avoir soi-même communiqué sur l’importance d’y prêter attention, ou même avoir convaincu entourage et partenaires de ses propres qualités de bon gestionnaire, cette trésorerie qui donne le “la” du futur de l’entreprise ne bénéficie pas toujours d’une vigilance de tous les instants… Et en matière de naufrage entrepreneurial, les euros à la dérive occupent une bonne place sur le podium.
Si la nécessité de surveiller sa tirelire parait une évidence, les occasions de préparer son défaut de paiement futur ne manquent pas. Elles se cachent parfois dans ces mauvaises habitudes qui créent le déséquilibre durable, ou dans une mauvaise perception des conséquences de la mauvaise gestion. Quatre d’entre elles sont ainsi couramment observées chez les entrepreneurs qui se lancent.
1/ Faire preuve de laxisme sur le recouvrement des créances.
Avoir peur de tendre ou fragiliser la relation-client en réclamant ce qui est dû ; perdre de vue qu’un contrat est un accord conjoint portant sur deux obligations, l’une de délivrer un produit ou un service dans des conditions fixées, l’autre d’honorer un règlement dans des conditions elles aussi convenues ; ne pas se sentir à l’aise avec ce mot argent dont notre société française à tant de mal à se défaire du tabou qui l’entoure, et donc refuser d’en parler ouvertement à son client ; ne pas avoir une vraie “culture-trésorerie”, car un ancien salarié en entreprise n’a que très rarement eu l’occasion d’être confronté aux exigences de recouvrement, sauf à avoir travaillé dans une direction financière ; se dévaloriser en tant que petite entreprise et subir les abus des grandes organisations dont la tendance à payer en retard malheureusement se généralise ; ou encore considérer que son client, par sa taille, le profil de ses actionnaires et les marchés sur lesquels il opère, offre toutes les garanties de bon règlement, même tardif… Les occasions de devenir le banquier de ses clients, et donc d’endosser une responsabilité qui n’est pas la sienne, sont nombreuses…
Mais accepter cette dérive, c’est créer un précédent dans l’esprit du client et faire de l’écart exceptionnel une habitude sur laquelle il sera ensuite difficile de revenir. C’est aussi s’exposer au risque de trésorerie de son client et devoir trouver, à sa place, des solutions de financement tout en supportant seul leur coût. C’est enfin courir le risque d’être entraîné dans la chute en cas de défaillance majeure, les créances impayées devenant bien souvent irrécouvrables en cas de liquidation judiciaire.
2/ Accepter des conditions de paiement défavorables : des délais de paiement clients supérieurs aux délais de paiement fournisseurs.
Il est si facile pour une jeune entreprise, obnubilée par sa croissance et l’acquisition de références, de se laisser entraîner dans des combats déséquilibrés. Etre petit, c’est s’exposer à la tentation : celle de vouloir signer à tout prix pour ne pas perdre un marché, et d’accepter des délais de règlement qui dégradent le BFR (besoin en fonds de roulement). Des délais clients supérieurs aux délais fournisseurs garantissent, avec la croissance de l’activité, des trous de trésorerie de plus en plus profonds, et l’exigence de devoir apporter des solutions financières incertaines et forcément coûteuses. Le non-paiement par un client d’une ou plusieurs factures peut rapidement créer les conditions du danger : on a payé à un fournisseur une prestation, pour laquelle il n’y a en contrepartie aucun règlement client.
3/ Négliger les vertus de la réserve de trésorerie.
Distribuer systématiquement 100% des dividendes, ne pas placer un « trésor de guerre » – sous forme de SICAV ou DAT par exemple – ou encore ne pas aller chercher des fonds ou négocier des dispositifs de financement court terme (découvert, affacturage) lorsque l’entreprise est en situation favorable pour le faire – bref, quand elle se développe et que tous les indicateurs sont au vert – c’est méconnaître ou refuser les cycles. En d’autres mots, refuser l’idée que le succès ne dure pas et, qu’un jour ou l’autre, des difficultés – perte d’un client majeur, responsabilité engagée sur une malfaçon, etc. – pourront fortement exposer ou fragiliser la trésorerie de l’entreprise.
4/ Naviguer à vue sans anticipation ni contrôle.
L’excès de confiance, le manque d’intérêt ou de temps pour assurer un suivi de trésorerie rigoureux, ou encore l’effet anxiogène qu’une surveillance régulière des comptes peut avoir sur certains entrepreneurs, sont autant de raisons pour négliger la seconde des priorités matinales…juste après celle d’avoir dit bonjour à chacun de ses collaborateurs : ouvrir son tableur Excel et son plan de trésorerie ! Le risque est alors celui de la surprise, et en général la mauvaise ; cet imprévu qui nécessite de trouver les solutions d’urgence, et que le seul mot urgence rend difficiles, voire impossibles, à trouver. Peu nombreux sont en effet ceux qui courront le risque de vous aider quand tout va mal…
Prenez donc plus que jamais soin de votre cochon-tirelire, il est votre meilleure assurance-vie !
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