J’ai découvert le 2 août 2012 ce que le terme “catastrophe nucléaire” signifiait en langage entrepreneur.
L’éditeur de coffrets cadeaux Happytime, notre plus gros client, venait d’être déclaré en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Paris. Son investisseur, un entrepreneur reconnu, l’avait brutalement lâché 15 jours auparavant.
Les conséquences ont été terribles. Pour les clients tout d’abord : des coffrets cadeaux devenus inutilisables, 84.000 clients lésés, 6 millions d’euros de valeur évaporés. Pour les salariés ensuite, une quarantaine, débarqués sans prévenir en plein mois d’août. Pour notre entreprise enfin, la société CincoSenso, un spécialiste des solutions prépayées en marque blanche. Nous perdions 50% de notre chiffre d’affaires, et nous retrouvions avec une créance impayée de 212.000 euros, sans perspective aucune de recouvrer les fonds ; Le passif de notre client était abyssal et les possibilités de recours inexistantes.
Et pourtant notre société, créée en août 2008, était rentable. Elle avait réalisé un chiffre d’affaires d’1,5 million d’euros pour sa troisième année et faisait vivre 8 personnes. Le résultat de prises de risques, d’efforts et d’engagement sans compter. Celui aussi de la confiance exemplaire de certains de nos investisseurs. Liquider Happytime c’était nous condamner. Une condamnation aux travaux forcés assurément, à une mort prochaine probablement. A court de trésorerie, il nous restait trois mois pour trouver une solution et tenter de mettre en place les conditions de la survie.
Las, la liquidation judiciaire de CincoSenso a été prononcée le 22 novembre 2012…
Mes premiers sentiments d’entrepreneur confronté à la faillite furent évidemment spontanés, forcément inutiles. Trahison, injustice, cynisme,… la richesse du vocabulaire français autorisait tous les jugements. Et puis le temps a nourri le recul et la clairvoyance. D’interventions en conférences, je me suis interrogé sur les raisons véritables de cette issue fatale. Etait-elle la seule conséquence de la mauvaise gestion d’un tiers, ou n’avions-nous pas, par nos décisions et renoncements d’entrepreneurs, préparé le terrain de la fragilité ?
Je me suis replongé dans notre histoire, interrogeant la mémoire des situations et des discussions; j’ai reconsidéré nos certitudes, nos convictions, nos inquiétudes et préoccupations ; j’ai balayé du regard 4 années d’entrepreneuriat. Et j’en suis arrivé à une conclusion : nous avions accumulé les micro-fragilités ! Parfois anodines lorsqu’elles sont considérées de façon isolée, elles étaient devenues, avec le temps, le nombre et la fréquence, un macro-danger. Il aura alors suffi d’un événement supplémentaire, la liquidation d’Happytime, pour conduire au crash notre “avion entreprise”…
A bien y regarder, ces erreurs furent nombreuses et de toute nature : Se tromper d’associé, notre 3ème associé n’ayant jamais rejoint l’entreprise malgré les engagements du départ ; Faire rentrer un ex-employeur et fournisseur dans le capital de l’entreprise ; Ne pas formaliser de pacte d’associés ; Répartir le capital social sur des promesses d’implication future ; Choisir un business model à la performance sans avoir les moyens d’agir sur les ventes de nos clients ; Bâtir notre développement sur le lancement des nouveaux produits de nos clients ; Laisser dériver les délais de règlement ; Ne pas considérer l’assurance chômage des dirigeants d’entreprise ; Se laisser tenter par la dispersion en considérant le lancement de nouvelles activités ; Cibler des grands comptes alors que nous étions dans les premiers pas du développement ; Faire le choix d’un modèle d’entreprise basé sur la gestion de la complexité (intégration multi-métiers/multi-prestataires) ; Pratiquer la confrontation sélective en privilégiant les avis extérieurs qui confortent, plus que ceux qui interrogent.
La liste est loin d’être exhaustive…
J’ai alors décidé d’en faire un livre. Non pour raconter mon histoire, mais pour éclairer sur les 100 risques de l’entrepreneur ; ces risques qui fragilisent les héros de l’initiative. 62.000 faillites d’entreprises brûlent chaque année les rêves et ambitions d’entrepreneurs de tous âges et de tous horizons. Un chiffre qui certes rappelle le caractère dangereux de l’aventure, mais qui montre aussi l’immense travail qu’il reste à faire pour préparer davantage encore les candidats au grand saut.
C’est donc auprès de 51 entrepreneurs que je suis allé m’imprégner d’aventures et d’expériences entrepreneuriales, toutes singulières, mais finalement tellement semblables. Car le principal risque de l’entreprise n’est pas technique. Il est humain. Celui des hommes et femmes qui la dirigent ; Celui de leurs personnalités, leurs émotions, leurs ambitions et leurs histoires. C’est ce qui fait toute la magie de l’aventure. Toute sa complexité aussi.
Cet ouvrage est donc une nouvelle histoire. Un voyage dans la géographie des risques. 100 points de vigilance en 51 entrepreneurs, non pour délivrer des vérités et conseils sur le risque entrepreneurial, mais pour amener à réfléchir, et s’entrainer, pour mieux l’appréhender. Il sera publié à la fin de cette année.
Ce blog sera un moyen d’éclairer sur la vie d’entrepreneur. Nous y parlerons de risques bien sûr, mais aussi de tous ces sujets qui rythment le quotidien et les aspirations des courageux de l’initiative. Nous y évoquerons ces verbes qui colorent les pages de l’histoire entrepreneuriale : rêver, imaginer, rencontrer, vibrer, construire, convaincre, emmener avec soi. Entreprendre, c’est confronter ses sens à de nouvelles expériences.
Je vous souhaite la bienvenue dans cette nouvelle aventure qui s’écrit.
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