Récapitulons le circuit fructueux des émotions : un évènement survient, des sensations et émotions émergent, ces émotions sont accueillies, elles signalent un besoin, la pensée prend le relais, une action est décidée et mise en oeuvre, les résultats de cette action sont consolidés s’ils sont bons ou transformés en apprentissages s’ils sont médiocres. Ce schéma est simple et pédagogique car la réalité est plus complexe que lui. Ceci étant dit « là où ça coince » dans ce circuit est la phase d’acceptation de l’émotion. La majorité des commentaires laissés par les lecteurs sur mes trois billets précédents portent sur l’accueil des émotions. Pour certains, elles sont refoulées et intériorisées, pour d’autres, elles sont exacerbées. Et dans ces deux cas, apparemment opposés, cela ralentit ou bloque le raisonnement ultérieur.
Le refoulement et l’intériorisation signalent un interdit. Les managers concernés ne s’autorisent pas à ressentir et exprimer telle ou telle émotion. Par exemple : la peur c’est pour les lâches, la tristesse c’est pour les faibles, la colère c’est pour les fous, la joie c’est pour les naïfs. Ces considérations se doublent de croyances telles que : il ne faut pas montrer ses émotions, les sentiments c’est pour les faibles, les autres vont en profiter si je me dévoile. Si de surcroit le manager en question estime qu’il doit maitriser en permanence toutes les situations et porter sur ses seules épaules toutes les responsabilités de son unité, il y a de quoi renforcer l’interdit.
L’exacerbation est l’envahissement du corps et de l’esprit par une émotion, le plus souvent intense. Dans ce cas, la peur devient panique, la tristesse est un flot de larmes, la colère une destruction et la joie une perte de contrôle. Le manager envahi par une émotion exacerbée atténue ses capacités de raisonnement et s’exprime avec pathos.
Les techniques éprouvées de développement personnel telles que l’analyse transactionnelle, l’affirmation de soi, la PNL, la méthode Schutz et la systémique abordent ces phénomènes de refoulement /exacerbation. Leurs focales sont différentes et pourtant s’accordent sur deux outils complémentaires: la dissociation et les échelles émotionnelles.
La dissociation.
Cet outil consiste à traiter ce qui apparait comme une quadrature du cercle ; accueillir l’émotion sans en être débordé.
Prenons l’exemple d’une colère. Je manage une équipe projet. Personne dans l’équipe ne semble être conscient des problèmes qui s’accumulent. Je sens monter en moi la colère. Si je fais croire que tout va bien, personne ne prend conscience des dysfonctions, et je me mine intérieurement. Et à force d’accumuler des colères , j’explose, mes propos dépassent ma pensée, ce qui rajoute un problème au problème initial. Cette colère est alors associée alors qu’il conviendrait de la dissocier.
Comment ? L’accueillir, interpréter son émergence – un désir de changement- l’exprimer à la première personne du singulier et inviter les autres à coopérer. Pour vous faciliter la dissociation, il est judicieux de se ralentir – respiration, débit de la voix, gestes. Vous pouvez aussi opérer une dissociation visuelle en imaginant que vous êtes au dessus de la scène où vous ressentez cette émotion. Cette disposition est le plus souvent nommée « effet hélicoptère ».
Les échelles émotionnelles.
Cet outil concerne les personnes s’interdisant de ressentir et d’exprimer leurs émotions. Elles sont enfermées dans un dilemme « tout ou rien ». Leurs échelles émotionnelles sont binaires. Elles croient :
- Si j’ai peur, je vais être paniqué.
- Si je suis triste, je vais m’effondrer.
- Si je suis en colère, je vais tout casser.
- Si je suis joyeux, je vais trop me livrer.
L’application des échelles émotionnelles consiste à graduer l’intensité d’une émotion entre rien et tout. Par exemple pour la peur :
1er échelon : j’ai des craintes
2ème échelon : je suis inquiet
3ème échelon : je suis anxieux
4ème échelon : je tremble de peur
5ème échelon : j’ai une peur bleue
6ème échelon: je m’affole
7ème échelon : je panique
Cette échelle m’est personnelle, adaptez la avec votre propre graduation et votre vocabulaire. Vous pouvez aussi remplacer les qualificatifs par des couleurs. Et bien sûr les échelles concernent aussi les autres émotions : colère , tristesse, dégout, joie…
La graduation étant définie, explorez ensuite progressivement chacun des échelons. Ce travail de graduation contribue à la dissociation décrite plus haut.
Alors que j’avais prévu un billet par intelligence je viens d’en consacrer quatre à l’intelligence émotionnelle. Le prochain abordera l’intelligence intellectuelle.
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