Commençons par une blague que vous connaissez probablement , illustrant la pratique infernale de la double contrainte.
Une mère offre à son fils deux cravates, l’une bleue, l’autre rouge. Il la remercie chaleureusement. Sur un ton doucereux elle lui demande ensuite : « laquelle vas-tu mettre pour la soirée au théâtre ? » Il répond : « la bleue ». Elle prend une mine fâchée et lui dit : « je vois que tu n’aimes pas la rouge ! »
S’il avait choisi la rouge, elle lui aurait dit : « je vois que tu n’aimes pas la bleue »
Cette blague fait habituellement rire, mais révèle une emprise psychologique difficile à parer, d’autant plus si le fils aime vraiment sa mère et veut toujours lui faire plaisir.
Imaginons une suite encore plus perverse :
« Tu me remercies par politesse, mais fondamentalement tu n’aimes pas mes cadeaux. Je me demande même si tu m’aimes ! »
De quoi devenir fou !
La double contrainte, en entreprise, émane de managers, qui, soit par maladresse, soit volontairement vous mettent devant des choix impossibles. Ils demandent une chose et son contraire pour créer de la confusion en vous. Quoique vous fassiez, vous êtes piégé. Les injonctions paradoxales et doubles contraintes sont des instruments puissants de domination. Le manager manipulateur jouit de votre embarras. Ce processus ressort du harcèlement moral et peut entrainer au mieux une déstabilisation psychologique et au pire des conséquences dommageables pour l’équilibre mental de sa proie.
Voici cinq exemples emblématiques assortis de leurs parades.
– « Sois spontané » . Parade : « Si j’ai bien compris, tu penses que l’on peut décréter la spontanéité? »
– « Je veux que tu sois d’accord avec moi » . Parade : « Veux tu que je fasse semblant d’être d’accord? »
– « J’ai envie que tu aies envie de participer à ce projet » . Parade : « Ce serait effectivement plus aisé si j’en avais envie, mais ce n’est pas le cas »
– « Tu as carte blanche, mais surtout pas d’impairs » . Parade : « J’ai l’impression que surtout pas d’impairs l’emporte sur carte blanche »
– « Je souhaite que tu organises des réunions pour faire émerger les réactions de ton équipe sur le changement à venir. Fais en sorte qu’ils s’expriment en sa faveur. » . Parade : « me demandes tu de les manipuler? »
Au delà de ces cinq exemples, vous pouvez transposer ces stratégies d’évitement
-Mettre à plat l’absurdité de la demande
-Refuser de rentrer dans ce jeu
-Poser la question : « quel est votre but quand vous me dites cela ? »
-Dévoiler le jeu : « si j’ai bien compris, tu cherches à me déstabiliser »
-Confronter la méthode en affirmant : « tu veux le beurre, l’argent du beurre et la crémière »
Si vous êtes intéressé par les parades possibles face à la double contrainte de la mère envers son fils , en voici quelques unes – au choix :
-J’aime les deux cravates
-Maman : à quoi joues-tu ?
-Maman : quelle est ton intention lorsque tu me place devant ce dilemme ?
-Je n’ai pas du tout envie de me laisser prendre dans ton jeu
-Je t’aime plus que les cravates
-Si tu veux, je peux mettre les deux en même temps
-Bon, hé bien ce soir vaut mieux ne pas mettre de cravate
-Serais tu en train de me faire subir une double contrainte ?
-Et bien d’autres encore…..
Ces répliques sont d’autant plus puissantes qu’elles sont formulées lentement, sur un ton ferme sans agressivité, en regardant l’autre dans les yeux, et en laissant s’installer un long silence après.
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4 commentaires
pasdesoucis
J aime bien le style , c’est simple , efficace et pédagogique….
J aime bien le fond , c est juste …
Jean-Louis Muller
Merci pour vos compliments
Pascal
J’aime beaucoup cet article ! Vous illustrez parfaitement votre point avec l’exemple de la mère qui offre deux cravates à son fils. Je pense que de nombreux salariés vont se retrouver dans cette petite histoire. Ils seront donc ravis de profiter de vos conseils avisés.
Jean-Louis Muller
J’espère aussi. Merci