Il n’est pas rare que des contrats importants soient conclus alors que la société n’est pas encore immatriculée. En effet, tant que les contractants n’ont pas la certitude que les contrats seront signés, ils hésitent à immatriculer la société au bénéfice de laquelle lesdits contrats sont négociés. Il serait dommage d’engager des frais de création d’entreprise pour des contrats qui pourraient ne pas voir le jour ! Cette pratique est fréquente dans le cadre de ventes de fonds de commerce.
Le Code de commerce prévoit qu’en pareille hypothèse et sous réserve du respect d’un certain formalisme (sur cette question, je ne saurai que vous suggérer de (re)lire un précédent post déposé sur ce blog…), le jour de l’immatriculation de la société, les contrats en question seront automatiquement repris par la société fraîchement immatriculée et devenue, à cette occasion, une personne morale dotée d’un patrimoine et capable de s’engager. Ainsi, l’article L. 210-6 du Code de commerce dispose-t-il « Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. (…) Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société. ». A défaut d’immatriculation, les actes conclus avant l’immatriculation de la société sont réputés avoir été conclus personnellement par ceux qui les ont signé au nom de la société en cours d’immatriculation. Les contractants de la société en cours d’immatriculation sont donc ainsi assurés de voir les accords en question être pleinement exécutés.
Pas si sûr !
En effet, la formulation de tels contrats doit être très précise et la jurisprudence ne manque pas d’occasions de le rappeler (Cass. com., 11 juin 2013, n°11-27.356 ; Cass. com., 21 févr. 2012, n 10-27.630 ; Cass. 3e civ., 5 oct. 2011, n°09-72.855 et 09-70.751). Ainsi, ces contrats doivent être conclus « au nom et pour le compte de la société en formation ». Des contrats qui seraient conclus « par la société en formation » sont frappés de nullité. En effet, la société en formation est une société dont les statuts ne sont pas encore signés. Cette société ne peut donc pas être immatriculée faute de disposer de statuts signés. Une société qui n’est pas immatriculée n’est pas dotée de la personne morale et ne peut donc pas s’engager. Elle ne peut donc pas signer d’acte et tout acte qui serait signé « par une société en formation » serait signé par une société qui n’existe… pas encore ! Un acte qui est signé par une personne qui n’existe pas est un acte nul !
Un récent arrêt rendu par la Cour de cassation est venu rappeler cette solution (Cass. com., 21 oct. 2014, n°13-22.428), les faits de cette espèce étant particulièrement intéressants. En effet, les signataires avaient conclus en leur qualité de « seuls associés » de la société en formation. Or, tant que la société n’est pas immatriculée, elle n’a ni associé ni gérant ou président. Tout juste des fondateurs… Là aussi, la formulation, manifestement trompeuse pour le néophyte, n’a pas trompé… les magistrats de la Cour de cassation.
Cet arrêt a été l’occasion pour la plus haute juridiction d’affirmer que la nullité frappant de tels actes est une nullité absolue s’imposant à tous et ne pouvant pas faire l’objet d’une quelconque régularisation.
A tous ceux qui chercheraient à se dispenser de l’assistance d’un juriste dans des opérations aussi délicates, vous voici avisés des risques encourus !
Commentez cet article
Aucun commentaire