Alors que le gouvernement prône la simplification de la vie des entreprises, la justice fiscale a anticipé cette nécessité. Mais pas toujours à bon escient…
La création d’une société implique le passage par le centre de formalités des entreprises auprès duquel sont déposés les statuts accompagnés, notamment, d’un formulaire de d’immatriculation. Ce formulaire reprend les principales caractéristiques de la société en voie d’immatriculation et comprend quelques cases qu’il convient de cocher et qui sont propres au régime fiscal de la future entreprise (IS, IR, TVA).
Le conseil d’état a déjà jugé que le simple fait de cocher une case sur ce formulaire emportait exercice de l’option correspondante, lorsqu’il s’agit de l’option pour l’impôt sur les sociétés dès lors que la société ne relève pas de plein droit de cet impôt (CE, 8ième et 3ième ss-sect., 30 déc. 2011, n°342566). En l’espèce, des sociétés en nom collectif (SNC) avaient opté pour l’impôt sur les sociétés, auquel elles ne sont pas de plein droit soumises, dès le dépôt au centre des formalités des entreprises de leurs statuts et du formulaire d’immatriculation. Ces sociétés s’étaient limitées à cocher la case de l’option à l’impôt sur les sociétés sur ce fameux formulaire. Considérant que l’option avait été ainsi exercée, ces sociétés se sont dispensées d’adresser, dans le délai imparti par le Code général des impôts, une lettre d’option au service des impôts des entreprises compétent. L’administration fiscale ne l’a pas entendu de cette oreille. Elle a tenté de soumettre ces sociétés à l’impôt sur le revenu aux lieu et place de l’impôt sur les sociétés, faute de disposer dans son dossier de ladite lettre d’option ! Le conseil d’état n’avait pas alors suivi l’administration dans cette voie et avait reconnu l’option comme valablement exercée du seul fait que la bonne case avait bien été cochée. Cette solution est pleine de bon sens ! A quoi peuvent donc servir ces formulaires d’immatriculation des sociétés, transmis notamment aux URSSAF et aux services fiscaux, si les mentions qu’ils comportent ne sont pas considérées comme des choix exercés par les entreprises ? Cette solution du conseil d’état avait le mérite de supprimer de la paperasserie inutile !
Fort de ce précédent, le tribunal administratif de Montreuil a tiré les conséquences de cette jurisprudence (TA Montreuil, 10ième ch., 29 nov. 2013, n°1210592). Selon cette juridiction, une SARL de famille peut valablement exercer l’option pour ce régime, lui permettant de relever de l’impôt sur le revenu et non de l’impôt sur les sociétés, en cochant la bonne case sur le formulaire de son immatriculation sans confirmer cette option par l’envoi d’une lettre au service des impôts dans le délai prescrit par le Code général des impôts. Pour autant, faut-il approuver cette décision ? Non, sans aucun doute… En effet, une société soumise à l’impôt sur le revenu voit ses résultats être fiscalisés directement entre les mains de ses associés. Si ce résultat est bénéficiaire, l’associé qui détient 10% du capital de la société doit ajouter à ses revenus imposables 10% du bénéfice de la société. L’impact peut être considérable en termes d’imposition personnelle. Si ce résultat est déficitaire, l’associé qui détient 10% du capital de la société peut, si certaines conditions sont réunies, déduire de ses revenus imposables 10% de la perte de la société. Compte tenu des incidences de cette fiscalité au nom des associés, le droit fiscal tente de protéger chacun d’eux en exigeant que l’option pour l’impôt sur le revenu soit signée par tous les associés, soit dans les premiers statuts, soit dans une lettre séparée. Est-ce que cette protection est assurée si le signataire du formulaire d’immatriculation peut seul engager la collectivité des associés ? En général, le signataire de ce formulaire est le gérant de la société voire son conseil (avocat, expert-comptable,…). Bien évidemment que non ! A cet égard, cette position du tribunal administratif de Montreuil doit être désapprouvée, sauf à ce que les statuts constitutifs comprennent une mention signée de tous les associés reconnaissant l’option à l’impôt sur le revenu. Sans une vérification préalable des statuts de la société, l’automatisme du choix fiscal par le simple fait de cocher une case doit être désapprouvé. Cette option ne peut être valablement exercée que si et seulement si tous les associés ont manifesté leur adhésion à cette option en signant les statuts comprenant une mention explicite sur l’exercice de cette option.
Et tant pis si cette position ne va pas dans le sens de la simplification de la vie des entreprises.
Simplification, oui, mais pas à quel prix ! Et en tous cas, pas à celui de l’insécurité juridique et fiscale…
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